Du Coin de la Page N°14 - Janvier 2020
Le mot du président
Chers amis des livres,
Chers amis de la Librairie indépendante,
Janvier 2020 nous invite à vous souhaiter une très belle année, entourée de beaucoup de livres et accompagnée par votre libraire indépendant préféré.
Nos souhaits et nos promesses sont évidemment ceux de la découverte de nouveaux textes, de nouveaux romans, de nouveaux albums, de nouveaux livres en tout genre pour toutes et tous. Mais, dans ces temps un peu troubles, nous devons aussi rester vigilants pour que l’expression livresque continue à être celle de la liberté et de la diversité.
Il y a 5 ans des fanatiques ont voulu tuer la liberté d’expression, mais aussi l’irrévérence et la provocation qui font la richesse culturelle de notre société, en tirant sur les journalistes et illustrateurs de Charlie hebdo. Aujourd’hui les auteurs de ce journal nous interpellent sur les nouvelles censures. Elles sont nombreuses et multiformes, elles s’affichent ou se cachent, usent et abusent de l’impact des réseaux sociaux, elles se glissent jusque dans les travaux des créateurs et auteurs sous forme d’autocensures totalement incroyables. On notera, par exemple, que les éditeurs américains font aujourd’hui appel à des « sensitivity readers » chargés de détecter pour les faire remplacer, les mots de certains manuscrits qui pourraient choquer certains ou créer une réaction de tel ou tel groupuscule ou lobby.
Ne tolérons pas ces nouvelles dictatures et les libraires indépendants se font forts de rester les lieux de la liberté d’expression, les lieux de la liberté des écrits et des livres. Grand merci pour votre soutien.
Nous vous remercions vivement pour votre fidélité et vous souhaitons une très belle année 2020.
A bientôt au prochain numéro.
D Ehrengarth – Président A.LIR
Le coup de cœur de la librairie Parenthèse
Le Champ de Robert Seethaler
Editions Sabine Wespieser
Voici le nouveau petit bijou de celui qui nous avait déjà charmés avec "Le tabac trezniek" et "Une vie entière"
Comment caractériser une vie entière ? Les voix qui s’élèvent ici sont celles des habitants du cimetière, qu’on nomme « le champ » dans la petite ville de Paulstadt. À la concision des épitaphes, l’écrivain substitue les mots des défunts. Par un souvenir, une sensation fugace, une anecdote poignante, chacun de ces narrateurs évoque ce que fut son existence.
Au fil de la lecture émerge le portrait d’une bourgade comme tant d’autres, marquée par le retour de la prospérité au mitan du siècle dernier. La vie tourne autour des figures locales : le maire, la fleuriste, le facteur, le curé dévoré par les flammes dans l'incendie de l'église, le marchand de légumes…
Les voix se font écho, s’entrelacent, se contredisent parfois, formant le tableau d’une communauté riche d’individus et de sensibilités différentes. Subtil interprète de l’âme humaine, Robert Seethaler se penche sur leur intimité : les amours naissantes, les amours heureuses, ou moins harmonieuses – quand les fantasmagories de la femme signent pour son époux échec, malheur et drame.
Le plus saisissant dans ce texte est l’émotion qui sourd de chaque histoire : non celle de savoir le protagoniste disparu, mais l’empathie que parvient à susciter l’auteur pour ces êtres si vivants, leurs espoirs, leurs doutes, leurs ambitions, leur solitude.
Le Champ est un livre sur la vie, que Seethaler réussit à dire avec autant de simplicité que de profondeur.
Claudia
Librairie La Parenthèse - 63 rue Boecklin - 67000 Strasbourg
Le coup de cœur de la librairie Ehrengarth
Zaroff de Sylvain Runberg & François Miville-Deschênes
Le Lombard
L’histoire commence au large du Venezuela sur l’île secrète du comte Zaroff, citoyen Russe ayant fuit son pays. Homme intelligent et très cultivé, il est surtout un passionné de chasse, tellement qu’il en organise régulièrement sur son île, où il y chasse ses proies a travers la jungle. Les proies en question ? Des hommes. Dont il aura fait échouer le bateau sur son île, a chacun il donne une petite chance de s’en sortir, une arme et trois jours à survivre pour être libéré. Ce jour finira par arriver, ramenant à terre des informations sur le secret du comte, elles atteindront également une femme, fille d’un chef criminel Irlandais nouvellement à la tête de l’organisation suite à la mort de celui-ci sur l’île. Commence alors une nouvelle chasse à l’homme, celle du comte et de sa famille. Celui-ci, brisé par son échec va devoir se ressaisir pour sauver sa vie et plus encore, Fiona, l’héritière à un père à venger et une autorité à asseoir.
L’histoire se passe au cœur de la jungle, perdant le lecteur entre les lianes, qui soutenir, où est-on, les pages se tournent vite et la tension est présente jusqu’au bout. Les dessins sont sombres et l’ambiance immersive.
Clémence
Librairie Ehrengarth - 14 route du Polygone - 67100 Strasbourg
Le coup de cœur de la librairie A Livre Ouvert
Sankhara de Frédérique Deghelt
Actes Sud
Hélène quitte mari et enfants (des jumeaux de 5 ans) pour prendre un "hors temps" : elle va participer à un stage de méditation de 10 jours à raison de 10 heures par jour. Son couple est "en crise" et lors de leur dernière confrontation Sébastien a failli la frapper. Comment ont-ils pu en arriver là?
Elle ne sait pas à quoi s'attendre, elle a pu s'inscrire par le hasard d'une défection de dernière minute.
Journaliste à l'AFP, Sébastien travaille énormément, vise une place de chef de service et comme beaucoup d'hommes en oublie sa femme, ses enfants, sa vie. Ce mois de septembre 2001 s'annonce routinier avec les habituels "marronniers" du journalisme : rentrée, conflits sociaux, popularité de tel ou tel candidat, bref rien de bien folichon. La "défection" d'Hélène le fâche plus qu'elle ne l'inquiète. Elle va revenir, mais en attendant il doit "se coltiner" les enfants, la rentrée scolaire et palier à l'absence de sa femme.
Avec sa voix (sa voie?) singulière, Frédérique Deghelt invite son lectorat à faire un pas de côté, à changer de perspective. Comme dans "Les brumes de l'apparence" elle ne cherche pas à convaincre, à nous inciter à adhérer au cheminement de son personnage. Elle "montre" un chemin, une voie (une voix), libre à chacun de s'en emparer ou pas. Dans l'un ou l'autre cas, il reste de toute façon cette écriture, ce style si personnel et fascinant qui ont fait de Frédérique Deghelt une Voix (voie) à part dans le paysage littéraire contemporain.
Merci Frédérique de nous régaler ainsi à intervalles réguliers.
PS : ne vous laissez pas "surprendre" ou "perturber" par la couverture si peu dans les habitudes de la maison. A la lecture du roman tout s'explique et tout se tient.
Willy
Librairie A Livre Ouvert - 4 rue du Marché aux Poissons - 67160 Wissembourg
Le feuilleton des écrivains de l'association Littér'Al
Episode N°13 Extrait des Mémoires de Xavier Schwalber
Comme au ralenti, je la vis se débattre, tenter de s’arracher à la poigne de l’homme, le reconnaître avec terreur…
Le pompier l’étreignit pour l’immobiliser. Il lui dit quelque chose – que je ne pus saisir, allongé sur le bitume et noyé dans les volutes de fumée puante.
Mais Melanya lui mordit l’avant-bras. Il la relâcha en criant. Elle en profita pour lui envoyer un coup de genou bien placé… Et le cri de l’homme devint un hurlement de douleur. Elle s’enfuit.
Je m’étais relevé, et vins au secours du pompier, plié en deux par la souffrance.
« Ah ! La vache ! » gémit-il, « elle m’a eu dans les…
- J’ai vu… Mais que lui avez-vous dit ? Vous la connaissez ?
- Oh oui ! Et vous aussi, je vous connais…
- Vous n’êtes pas vraiment pompier ? »
Pas de réponse ; il enchaîna tout de suite.
« Allons-nous-en. On a des choses à se dire. Vous connaissez un bistrot dans le coin ? »
On s’attabla devant deux thés verts dans un Döner Kebab hallal.
« La villa est sous notre surveillance depuis un mois. On se doutait que ça allait barder tôt ou tard… Mais on ne s’attendait pas à ça.
- "On" ? C’est qui ? »
Pas de réponse.
« Je vais vous dire ce que vous pouvez savoir. La villa est la base d’un réseau d’espionnage poldévien, dirigé par le faux Gorbatchev qui vous a interrogé. On soupçonne le Nachrizschtenhaüptszamt d’avoir organisé ces explosions.
- Le Nachrizschtenhaüptszamt, c’est quoi ?
- Le contre-espionnage syldave.
- Et vous ? Qui êtes-vous ?
- Vous avez le roman d’Athanase ?
- Oui. Un service de presse. Je l’ai parcouru… Il est nul.
- Eh bien, on va aller chez vous et le lire ensemble. Vous avez du Doliprane ? »
Xavier Schwalber
Spécial "Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulème"
La Sélection Officielle, la Sélection Jeunesse, la Sélection Patrimoine, la Sélection Jeunes Adultes et la Sélection Fauve Polar SNCF forment la Compétition Officielle, et réunissent 72 livres cette année.