Association des Libraires Indépendants du Rhin

Du Coin de la Page N°5 - Mars 2019

Le mot du président

Chers amis des livres,

Chers amis de la Librairie indépendante,

Mais que ce passe t il ? Où allons nous ? les insultes, la haine, les profanations se propagent partout . La fièvre brune s’étend, le fanatisme, le refus de la diversité et du débat d’opinion deviennent courant. Les réseaux sociaux ont pris le pouvoir et imposent leur loi, l’immédiateté, la réaction à chaud, les fausses informations, les mises à l’index ont relégué la pensée, la réflexion, les écrits aux orties. Non, ce que nous, libraires indépendants, nous proposons sur nos tables et nos rayons n’est pas le passé, une époque révolue ou une histoire à gommer, au contraire, les librairies sont l’endroit où grandissent le savoir, la pensée, la culture mais aussi le divertissement et le plaisir. Les librairies indépendantes sont les lieux d’expression, les lieux d’échange et de découverte, héritiers d’un riche passé, inscrits dans le présent, ils sont les lieux de l’avenir.

Mais, si nos sociétés continuent sur les chemins que certains leur montrent, ces lieux qui nous sont tellement chers pourraient être mis en danger et les livres, sous un prétexte ou un autre, montrés du doigt, écartés, censurés voire brulés.

C’est exactement ce que font toutes les dictatures …..

Les livres sont l’ultime rempart de l’intelligence, de l’humanité et de la démocratie et les librairies le dernier front et c’est un honneur pour tous les libraires d’Alsace de répondre présent face à cette menace.

Nous vous remercions  vivement pour votre fidélité et votre soutien et vous donnons rendez vous dans nos librairies pour tous vos souhaits de lecture.

A bientôt au prochain numéro

D Ehrengarth – Président A.LIR

Le coup de cœur de la librairie A Livre Ouvert

Amour propre de Sylvie Le Bihan

JC Lattès

« Elle en a » aurait dit un acteur autrefois très célèbre.

Giulia attend ce moment depuis longtemps, depuis presque 22 ans. Elle a trois enfants dont elle s’est occupé quasiment toute seule. Le père dont elle s’est séparé a plus souvent qu’à son tour été absent. Voilà, enfin ils sont prêts à sortir du nid. L’aînée est en troisième année de fac et les deux garçons vont entamer eux aussi leurs études supérieures. A elle les vols longs courrier sur « air liberté » Alors qu’elle a mis « sa vie entre parenthèses » toutes ces années, conjuguant sur un rythme effréné carrière universitaire et éducation des enfants qu’elle a porté à bout de bras vers l’âge adulte elle estime que son tour est venu, qu’enfin elle va pouvoir reprendre le fil de sa vie et donner la priorité à son épanouissement personnel.
Et patatras, rien ne se passe comme prévu. (Mais franchement est ce que ça arrive à quelqu’un ça, que « tout se passe comme prévu » ???). La veille d’entamer leurs études les garçons annoncent à leur mère qu’ils préfèrent prendre une « année sabbatique ». 
Et là, Giulia s’effondre au sens propre comme au sens figuré. Après un bref séjour à l’hôpital elle profite de l’invitation d’un de ses collègues italiens pour se rendre à la Casa Malaparte sur l’île de Capri. Un projet de livre sur Curzio Malaparte lui trotte dans la tête depuis longtemps. C’était de Capri aussi que venait sa mère qui l’a abandonnée à huit mois, la condamnant à grandir seule avec son père.
Sylvie Le Bihan dresse un portrait sans concession des injonctions, des impératifs qui régissent la vie des femmes : « la maternité : source de joies ineffables, les enfants : but ultime de toute femme » etc. Les petites filles sont programmées pour être mères et « pour aimer ça ». Et si ça n’est pas le cas ? Et si une femme n’a qu’une hâte : voir partir ses enfants pour (re)vivre enfin. Est-elle une mère indigne pour autant ?
Dans le cadre somptueux de la villa qui servit au tournage du « Mépris » de Godard, Giulia s’interroge, confronte son questionnement existentiel à la liberté de penser, d’être et d’écrire qui fût celle de Curzio Malaparte. Sur les traces pour ainsi dire de son hôte elle ose se poser ces questions que la bienséance et les « codes moraux » de notre société interdisent et rejettent
Allez, je vous la fait quand même « le livre le plus abouti de l’auteure ». Le plus courageux sans doute.

Willy

Librairie A Livre Ouvert - 4 rue du Marché aux Poissons - 67160 Wissembourg

Amour propre

Le coup de cœur de la librairie Ehrengarth

L'autre côté de Léo Henry

Rivages

Rostam habite la Cité-Etat de Kok Tépa dirigée par les moines et la caste des gardiens dans une politique d’isolement et d’autarcie. Mais un mal étrange touche la population qui n’ayant pas accès aux médicaments, n’a pas d’autre choix que de fuir, notamment pour rejoindre l’Outre-Mer.

Rostam est passeur, il organise de nombreux départs et semble avoir les bons contacts hors de la cité, son service est connu pour être fiable.

Le Mal va aussi toucher  la famille de Rostam qui décide alors de partir et d’utiliser son réseau, mais le voyage ne se déroule pas vraiment comme prévu …

Se situant dans une contrée inconnue et dans un temps non précisé , « L’autre coté » pourrait être classé en roman de science-fiction, genre que Léo Henry a déjà pratiqué. Mais c’est en fait un roman sur  la dictature de classe, la fuite, l’immigration et l’exil , aventure risquée dans des contrée inconnues, éloignées et dangereuses, mais aussi un roman sur l’amour paternel qui pousse au dépassement de soi  pour sa famille, pour son enfant.

Dominique

Librairie Ehrengarth - 14 route du Polygone - 67100 Strasbourg

L autre cote

Le coup de cœur de la librairie Parenthèse

Sauvage de Jamey Bradbury

Gallmeister

À dix-sept ans, Tracy Petrikoff possède un don inné pour la chasse et les pièges. Elle vit à l’écart du reste du monde et sillonne avec ses chiens de traîneau les immensités sauvages de l’Alaska. Immuablement, elle respecte les trois règles que sa mère, trop tôt disparue, lui a dictées : «ne jamais perdre la maison de vue», «ne jamais rentrer avec les mains sales» et surtout «ne jamais faire saigner un humain». Jusqu’au jour où, attaquée en pleine forêt, Tracy reprend connaissance, couverte de sang, persuadée d’avoir tué son agresseur. Elle s’interdit de l’avouer à son père, et ce lourd secret la hante jour et nuit. Une ambiance de doute et d’angoisse s’installe dans la famille, tandis que Tracy prend peu à peu conscience de ses propres facultés hors du commun.

Flirtant avec le fantastique, ce troublant roman d’initiation nous plonge dans l’intimité d’une jeune fille singulière qui s’interroge sur sa nature profonde.

Claudia

Librairie La Parenthèse - 63 rue Boecklin - 67000 Strasbourg

Sauvage

Le coup de coeur de la librairie Pleine Page

West de Carys Davies

Seuil

La grande expédition Lewis et Clark de 1804, chargée de trouver une voie de passage vers l'Ouest, a été le point de départ de la grande colonisation à venir du continent américain. Elle a été à l'origine également de grandes découvertes scientifiques, naturalistes et géologiques. Parmi celles ci la découverte, là-bas dans les montagnes rocheuses, d'ossements d'animaux gigantesques. Ignorant tout de la préhistoire, et persuadé que ces grands animaux existent toujours, le fermier Cyrus Bellmann, jeune veuf, et éleveur de mules, n'a qu'une idée en tête : partir là bas et ramener à la ferme un de ces animaux de légende. Un grand roman, poétique et humain, sur l'Amérique des origines.

Fabrice

Librairie Pleine Page - 13 rue Sainte Barbe - 67600 Sélestat

West

Le feuilleton des écrivains de l'association Littér'Al

Episode N°4 par Albert Strickler

En sortant de Chez René, je remontais la rue Kageneck en mâchouillant mes maigres indices.

Athanase était volage, tout le monde le savait.

La Russe, dont il m’avait avoué être dingue, se disait morte d’inquiétude mais personne ne la croyait, à commencer par l’ami de l’apéro dont l’esquisse du sourire en disait long.

L’enquête venait à peine de démarrer, et j’avais déjà l’humiliante impression de m’être fourvoyé.

Il est vrai que j’avais aussi un peu forcé sur l’apéro qui s’empressa de couler mon esprit de déduction. Car si je m’étais cru habile en payant une tournée, je n’avais pas imaginé que tout le monde allait m’emboîter le pas au gré d’une surenchère qui me valut d’être cuit sur place.

Et c’est le pouls en heurtoir aux tempes que je retournai au bureau en passant par la case sieste.

Je ne suis pas sûr que bien m’en ait pris. En profita un cauchemar qui me vit déchiqueté par des ciseaux à la façon d’Orphée par les Ménades.

Réveillé en sursaut, comme échappé de la guillotine, je reconnus, en sueur, l’origine du cisaillement dont je venais d’être la victime : le jeu de croisement-décroisement des jambes de Mélanie, dont les lames de chair avaient failli me hacher menu.

Mais cette allusion subtile à la viande m’ouvrit une piste que je n’avais pas encore pensé à explorer. Celle du Cannibale de Bâle.

Oui, et l’évidence me frappa le front comme le pouls, les tempes, c’est de ce côté-là qu’il me faudrait chercher. Du côté du roman en évidence sur mon bureau comme La Lettre volée. Si Athanase était à mes yeux un piètre écrivain, son livre recelait peut-être le mystère de sa disparition !

Albert strickler

Albert Strickler

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